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Histoire d’un nom

Quel nom pour cette région ?

« Ostbelgien » (Belgique de l’Est). Communauté germanophone. Eupen-Malmedy. Eupen, Malmedy, Saint-Vith. Cantons de l’Est. Deutschbelgien. Deutschostbelgien. Nouvelle Belgique. Cantons rédimés. Territoire de langue allemande. Voilà les termes (et bien d’autres encore) que le lecteur trouvera s’il s’intéresse à l’histoire et à la région de l’actuelle minorité germanophone de Belgique. Mais quel est le terme correct ? Que signifient ces termes ? Et pourquoi cette multitude de noms pour ce qui semble être une seule région ?

Chaque citoyen développe sa propre identité. Celle-ci se compose de nombreux éléments, dont généralement un élément régional. Ainsi, l’histoire toponymique des Cantons de l’Est reflète également des offres identitaires. Certains termes montrent comment les personnes de l’extérieur voyaient ou voulaient voir les germanophones actuels de l’est de la Belgique. D’autres donnent des informations sur la manière dont les Belges de l’Est se sont eux-mêmes perçus au cours des deux derniers siècles ou comment ils se perçoivent aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle l’utilisation d’un terme a toujours été et est (presque) toujours empreinte d’un contexte historique et politique.

Histoire du terme « Ostbelgien »

En 1795, la France divisa les Pays-Bas méridionaux, souvent appelés « provinces belges » à l’époque, en départements. Au sein du département de l’Ourthe, on créa les cantons d’Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith. Ils formaient l’arrondissement de Malmedy. C’était la première fois que ces régions étaient réunies en une seule entité administrative.

En 1815, le Congrès de Vienne rattacha ces cantons à la Prusse. Trois nouvelles unités administratives furent créées, qui correspondaient plus ou moins aux cantons français : les arrondissements d’Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith. Entre l’arrondissement d’Eupen et celui de Saint-Vith se trouvaient les Hautes Fagnes, un haut marais qui constituait depuis des siècles une barrière naturelle.

En 1821, l’arrondissement de Saint-Vith a été dissous et intégré à l’arrondissement de Malmedy. Environ 10.000 citoyens vivaient à Malmedy et dans ses environs, leur langue maternelle était le wallon, plus rarement le français. Leur première langue étrangère était l’allemand. Beaucoup d’entre eux se considéraient à la fin du 19e siècle comme des Wallons prussiens.

En 1920, le traité de Versailles entra en vigueur. Les arrondissements d’Eupen et de Malmedy furent cédés à la Belgique. Dans la vieille patrie allemande, le terme « Eupen-Malmedy » s’imposa. Les Belges, en revanche, parlaient des « cantons rédimés », des cantons retrouvés, ainsi que de la « Nouvelle Belgique », plus rarement des « Cantons de l’Est » ou des cantons d’Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith. Le terme « Nouvelle Belgique » était également utilisé dans la région elle-même ainsi qu’au Luxembourg.

En 1940, cette région redevint allemande. Les nazis parlaient d’« Eupen-Malmedy rapatriée ».

En 1944/45, la région redevint belge. C’est à ce moment-là que le terme « Cantons de l’Est » a été adopté pour l’usage administratif. Dans et autour de Malmedy, les citoyens ne parlaient désormais presque plus que le wallon et le français.

Les lois linguistiques de 1962/63 ont établi les frontières linguistiques et délimité une zone de langue allemande en Belgique. Dès lors, les membres de cette minorité se désignèrent de plus en plus comme Belges germanophones.

En 1973, cette région obtint ses premiers pouvoirs d’autonomie sous la forme du « Conseil de la communauté culturelle allemande ».

Dans les années 1970, les partisans les plus radicaux de l’autonomie utilisèrent les termes « Deutsch-Belgien » ou « Deutsch-Ostbelgien ». Ces derniers n’ont toutefois pas réussi à s’imposer.

En 1983, la « Communauté germanophone » fut créée. Depuis 1984, la minorité dispose de son propre gouvernement.

Au tournant du millénaire, le terme DG, abréviation pour « Deutschsprachige Gemeinschaft », fut fortement promu par le gouvernement comme dénomination identitaire.

Depuis 2017, la région est promue sous le nom de « Ostbelgien » (littéralement : Belgique de l’Est). En français, on continue à utiliser « Cantons de l’Est » comme équivalent.