Notre image est d’actualité et l’histoire qui l’accompagne est vite racontée. En fait, c’est la fin de la journée en ce mardi de septembre. Pas pour cet agriculteur à temps partiel. Après être rentré chez lui, il doit encore traire ses vaches dans un pâturage proche de la maison. Ici, il y en a huit. Le nombre peut varier jusqu’à la rentrée en stabulation en novembre. Les animaux le connaissent et l’écoutent. Elles ne sont pas non plus dérangées par le chien, qui a été formé pour chasser les animaux vers le chariot de traite. Chaque vache a sa place sur le chariot, une petite étiquette avec son nom y est fixée. Le soleil déjà bas donne à la scène un aspect idyllique.
Mais laissons de côté l’aspect atmosphérique de cette photo. Notre trayeur, lui aussi originaire de Wirtzfeld, avait repris en 1989 une petite exploitation agricole dans le village voisin. Aujourd’hui, il est l’un des quatre agriculteurs que compte actuellement le village et, depuis longtemps, le dernier à pratiquer encore l’élevage laitier à petite échelle. Bien sûr, dans sa petite exploitation, c’est le rendement qui compte malgré tout. A la fin des années 1980, le beurre et le lait en poudre ne faisaient déjà plus recette. La coopérative laitière de Bullange-Saint-Vith, qui était à l’origine l’adresse de livraison de la plupart des producteurs laitiers de l’Eifel belge, s’apprêtait à fusionner avec l’Union laitière de la Haute Eifel et à abandonner la production de Bullange au profit de celle de Saint-Vith. C’était une période de turbulences, où la chute du prix du lait ne semblait pouvoir être enrayée que par l’agrandissement de l’exploitation et l’amélioration de la qualité de la production et de la transformation.
Comme toutes les exploitations, celle-ci vivait depuis lors constamment dans le champ de tensions des laiteries à la publicité acharnée, des normes imposées et des progrès techniques. Un Bautz, le premier tracteur de traite, et la machine à traire sont les acquisitions de l’année 1970 qui sont encore aujourd’hui dans la mémoire de la famille de l’exploitation. Mais en regardant vers l’avenir, la question de la rentabilité est restée brûlante.
Aujourd’hui, il est clair que l’agriculture de cette ferme sera également abandonnée dans un avenir proche. Cette fermeture s’inscrira ainsi dans l’évolution (supra)régionale de ce secteur, amorcée depuis les années 1960. Cela n’étonne plus personne. Depuis lors, de nombreuses exploitations ont fermé là où il y a une activité principale, où les successeurs font défaut, où les dispositions sont morcelées ou où le fait d’être en permanence attaché pèse sur les épaules.
Malgré cela, tout n’était pas mauvais. C’est ce que prouve cet enregistrement, qui pourrait aussi parler de l’amour de la nature et des animaux. Mais un jour, il sera le témoignage du (peut-être) dernier représentant au village d’une profession agricole qui, matin et soir, se précipitait vers ses vaches avec son tracteur, son harnais et son chien pour traire seul en pleine campagne.
D’ailleurs, la présentation du groupe de travail des musées de l’Eifel (AEM) « Dünnbeinig mit krummem Horn » a rencontré un grand succès jusqu’en janvier 1989. Le Dr Burchard Sielmann, coordinateur de l’exposition, y reconnaissait une part de réalité, selon laquelle « l’homme ne devient vraiment attentif à quelque chose qui se passe autour de lui que lorsque cette chose n’existe plus ». Comme il a raison !
Carlo Lejeune
(1) „Einblick in die Geschichte der Eifeler Landwirtschaft“, in Grenz-Echo, 07.01.1989, sp.