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L’histoire en images

La photo avec le parrain

6.09.2022
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Un dimanche d’octobre. En visite, un cousin de la mère et sa femme de Retinne. Depuis 1954, il y avait une bonne raison de monter dans l’Eifel belge : un filleul. Après le repas, le groupe profita du soleil de midi. Il se peut que l’on ait alors parlé du fils de l’instituteur Cornet de Mürringer, originaire de Chevron. L’enfant de huit ans avait contracté la poliomyélite et l’école avait été fermée pendant deux semaines.

La presse régionale n’avait-elle pas souvent fait état de cette infection « insidieuse » au cours de ces années ? Depuis le milieu du 19ᵉ siècle, elle était aussi de plus en plus fréquente en Europe. Le virus pathogène – découvert en 1908 – pouvait se répercuter sur l’appareil locomoteur et la respiration via la moelle épinière et le système nerveux, et provoquer des symptômes de paralysie. Les adultes pouvaient également être infectés par cette maladie prétendument infantile.

Au début des années 1950, on ne disposait pas encore de moyens efficaces pour lutter contre la maladie. En Belgique, la Ligue nationale contre la poliomyélite s’est distinguée en sollicitant le soutien des communes pour ses projets. Les fonds étaient consacrés à des campagnes d’information et d’accompagnement. En cas de paralysie respiratoire, le patient pouvait être traité à l’aide du « poumon de fer ». Des bains d’eau chaude ou d’eau de mer ont permis de lutter contre le relâchement de la motricité.

Les infections étaient plus fréquentes pendant les mois d’été. En 1952, alors que 126 cas avaient déjà été enregistrés en Belgique à la fin du mois de juin (1), le ministère de la Santé a reporté la rentrée scolaire au 15 septembre (2). Lorsqu’un cas était connu, les autorités scolaires interdisaient par exemple aux moins de 18 ans l’accès aux piscines et aux terrains de jeux, de même que la participation aux rassemblements. L’eau devait être bouillie et les fruits et légumes soigneusement lavés avant d’être consommés.

Le poliovirus se propageait par gouttelettes et par contact et les mesures d’hygiène semblaient draconiennes à l’époque. Pourtant, la liste des causes de décès pour l’année 1952 au niveau national ne mentionnait que 34 fois la poliomyélite parmi les 102.764 décès (0,03%) (3).

Des nouvelles encourageantes arrivèrent des États-Unis, où la multiplication du virus dans des cultures cellulaires avait fait sensation. Au printemps 1955, Jonas Salk a mis au point le sérum Salk et un an plus tard, Albert Sabin a mené des recherches sur un vaccin oral …

Dans la région, on a réagi à ces perspectives positives. La commune de Heppenbach, où deux cas isolés de poliomyélite spinale étaient apparus, peut être citée en exemple. Le 11 janvier 1957, le conseil communal a pris acte de ce fait : « Toutefois, afin d’être suffisamment équipé en cas d’extension de la maladie, il est décidé de prendre contact avec un médecin (…) en vue de l’acquisition de vaccins ». Neuf mois plus tard, l’organisation d’une première vaccination préventive était à l’ordre du jour (4).

En 1958, le ministère de la Santé proposa dans tout le pays la vaccination gratuite de tous les enfants âgés de 6 mois à 15 ans (5), pour laquelle les parents étaient libres de choisir ou non de se faire vacciner. Mais c’est l’arrêté royal du 23 octobre 1966 qui devait mettre fin à cette liberté de choix. En 1967, dix ans après la première campagne à Heppenbach, la vaccination contre la poliomyélite est devenue la seule obligation légale en Belgique, pays déclaré exempt de polio par l’Organisation mondiale de la santé en 2002.

Lorsque notre photo a été prise, le filleul de 14 mois pouvait déjà marcher.  Peu de temps après, il ne le pouvait plus. Le médecin de famille avait identifié les symptômes de la poliomyélite et prescrit un bain de dix minutes dans une eau à 40°C deux fois par jour pour stimuler la motricité des jambes. Une horreur pour la petite ! Le traitement, auquel les deux parents s’étaient consciencieusement consacrés, a toutefois eu pour effet d’atténuer les troubles paralytiques de la fillette et a permis à cette photo de constituer un point de repère pour ce récit familial.

Alfred Rauw
ZVS, 2019/02, p. 41-42.

(1) Die spinale Kinderlähmung als endemische Krankheit, dans GE, 30/07/1952

(2) GE, 30/08/1952

(3) Woran starben die Belgier?, dans GE, 15/06/1954

(4) Berichte der Gemeinderatsversammlungen, dans GE, 15/01 et 17/09/1957.

(5) Freiwillige kostenlose Impfung, dans GE, 10/01/1958