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L’histoire en images

Pas de passage frontalier sans « papiers »

6.09.2022
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Le pasteur Alois Rupp, petit-fils de Johann Rupp, enseignant à Mürringen, avait passé quelques jours au village, rendant visite à ses cousins et cousines dans le lieu de naissance de son père. Sur la photo, on voit son frère Franz-Josef (à gauche). Mais aussi l’escorte qui, à la fin du séjour, l’avait conduit jusqu’à la frontière à Miescheid, d’où il avait entrepris son voyage de retour vers le Münsterland. Il est probable que le pasteur ait lui-même photographié ses hôtes derrière la barrière douanière, après qu’un douanier y ait tamponné son passeport.

Savoir poser des limites est un indispensable dans l’éducation. Les parents et les éducateurs ne sont pas les seuls à le comprendre, les chefs d’État le savent également et mettent en place un trafic frontalier réglementé. Franchir les frontières ne se fait alors qu’avec autorisation, selon les règles et les contrôles, sous peine de sanctions.

Ce sont surtout les personnes âgées qui se souviennent de cela. En 1920, une nouvelle frontière entre la Belgique et l’Allemagne a été établie non loin de leur lieu de vie. Celle-ci a certes été déplacée de 1940 à 1944, mais elle a été officiellement rétablie en 1945. Son tracé a encore été modifié lorsque le comité des frontières allié a accordé à la Belgique sa propre zone administrative militaire du côté allemand, appelée « La Bollenie » : Entre 1949 et 1958, le major-général Paul Bolle y était en charge.

La nouvelle région administrative, « La Bollenie », fut dotée de nouveaux postes de douane. Comme celui de la Miescheider Heide, qui ne pouvait être franchi que sur présentation d’un visa ou d’un passeport, comme c’était le cas depuis 1920. Les autorités accordèrent des facilités ponctuelles aux spectateurs des courses de Spa-Francorchamps ou aux groupes de pèlerins. Dans la nouvelle Europe occidentale, qui prônait la paix, de plus en plus de personnes considéraient cependant cette « obligation de passeport » comme un anachronisme et une chicane.

L’Association internationale Eifel-Ardennes était du même avis. Ses représentants belges, luxembourgeois, français et allemands se sont mis d’accord en avril 1956 à Cronenbourg sur la suppression de cette formalité, entre autres. Cette décision fut entendue par le ministère des Affaires étrangères. À partir du 5 août 1956, seule la carte d’identité suffisait pour franchir les frontières communes. « La coopération régionale a été désignée comme le meilleur moyen d’atteindre l’objectif d’une Europe unie », résumait le journal Grenz-Echo (1).

Souvent, des progrès ont été réalisés à petite échelle avant que les grandes étapes ne suivent. En 1959, les agences de voyage déploraient encore les atermoiements des pays européens, stigmatisaient même le « passeport » comme « document de méfiance policière » et déclaraient : « Le tourisme est fille de l’hospitalité, (…) l’étranger à l’étranger n’est pas un objet d’exploitation. On devrait l’accueillir comme un hôte, un ami, et faire de cette terre étrangère une seconde patrie. » (2)

Nous ne savons pas si les personnes sur la photo, dont la voiture a déjà fait demi-tour, ont ressenti la même chose. Mais elles aussi avaient de la famille en Allemagne. – Au moment de la prise de vue, la faveur de reconduire leur hôte devait s’arrêter ici, à la frontière, car la « résolution de Cronenbourg » n’était pas encore à l’ordre du jour. – Lorsque le pasteur Rupp fêta son 61ᵉ anniversaire ou à l’occasion de son jubilé d’or sacerdotal en 1999, aucun des invités de l’Eifel belge ne pensa plus à s’arrêter pour passer la frontière.

Alfred Rauw ZVS, 2019/04, p. 89-90.

(1) Grenz-Echo, 10/04/1956

(2) Malmedy-St. Vither Volkszeitung, 16/07/1959