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L’histoire en images

La malédiction des frontières closes

7.09.2022
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Eupen, 1947. La guerre est terminée depuis près de deux ans. Le ministre belge de l’Intérieur Auguste Buisseret visite la frontière belgo-allemande et serre la main d’un douanier.

Le 15 mars 1947, le ministre belge de l’Intérieur Auguste Buisseret a visité différents endroits de la région frontalière, notamment un poste frontière dans les Hautes Fagnes entre les villes d’Eupen et de Montjoie (photo : Archives de l’État à Eupen, Collection de photos de la ville d’Eupen).

Depuis la Première Guerre mondiale, les frontières sont devenues de plus en plus denses dans toute l’Europe : des liens familiaux ont été coupés, des espaces économiques ont été séparés, des contacts culturels ont été supprimés. Après 1945, Henri Hoen, commissaire d’arrondissement adjoint de Malmedy, avait même fait de la fermeture de la frontière et de l’orientation des habitants des Cantons de l’Est vers la Belgique intérieure l’un des trois principaux objectifs politiques. Carlo Lejeune qualifiait cela de « rideau de verre », car le passage de la frontière par les personnes était certes largement limité, mais la presse et surtout la radio et plus tard la télévision pouvaient franchir la frontière sans problème. La culture allemande restait donc visible et marquante dans les Cantons de l’Est. En raison des interdictions étendues de franchir la frontière, de nombreuses personnes la franchissaient souvent illégalement : la contrebande était florissante et représentait un revenu supplémentaire important, bien qu’illégal, pour de nombreuses personnes de cette région fortement meurtrie.

En 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier fut créée. Elle deviendra plus tard l’actuelle UE. Le traité de compensation germano-belge de 1956 a ensuite largement supprimé les contrôles aux frontières dans cet esprit.

Jakob Schmitt, cofondateur de Hellenthal et moteur des rencontres frontalières, se souvient : « Ce qui semble si évident aujourd’hui était encore un travail de prosélytisme délicat et impopulaire au début de la deuxième moitié de notre siècle, notamment pour nos amis belges. On n’aimait pas entendre le mot réconciliation. Exprimer trop ouvertement des sentiments germanophiles était même lié à un risque personnel. Le sentiment de culpabilité était trop profond chez les responsables qui, en l’espace de 100 ans, ont vu la guerre s’étendre au pays à partir du sol allemand […] Pourtant, de tout temps, ce sont les gens ‘sur le terrain’, et non les autorités et les institutions, qui ont été les moteurs de leurs gouvernements dans leur désir de paix et d’entente entre les peuples. Cela vaut surtout pour les habitants des frontières qui ont souffert pendant des générations de leur statut d’État-nation et qui ont été assez souvent le sujet de cessions arbitraires de territoires et de déplacements de frontières. »

Aujourd’hui, il nous semble évident que nous pouvons passer librement les frontières à Steinebrück, Losheimergraben, Wahlerscheid ou sur Wemperhardt. Les contrôles aux frontières ne sont autorisés dans l’espace Schengen que dans des conditions particulières. Pourtant, l’opinion selon laquelle des frontières fermées rendraient la vie plus sûre prévaut toujours. Cependant, notre exemple de contrebande frontalière (comme beaucoup d’autres) montre bien que la frontière verte entre deux pays n’arrête pas ceux qui veulent la franchir.

Vitus Sproten
ZVS, 2017/12, p. 273-274.

Suggestions de lecture

Christoph Brüll, Belgien im Nachkriegsdeutschland: Besatzung, Annäherung, Ausgleich (1944 – 1958), Essen 2009, p. 255- 383.

Schwerpunktthema: Europa und Region – Nordrhein-Westfalen, Belgien und die Niederlande, Essen 2015 (Geschichte im Westen, 30.2015).

Carlo Lejeune, « Der gläserne Vorhang. Die Grenze zwischen deutscher und belgischer Eifel », in Carlo Lejeune (dir.), Mut zur eigenen Geschichte: der 8. Mai 1945 – Anmerkungen zur ostbelgischen Vergangenheit, St. Vith 1995, p. 64-65.