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Espaces historiques

Lieu de mémoire Bataille des Ardennes

21.06.2022
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Le lieu de mémoire de l’offensive des Ardennes en dit long sur les habitants de la région, en particulier dans l’Eifel belge. Pour les habitants de l’Eifel belge, l’offensive des Ardennes a été un point de départ pour construire une mémoire dominée par la victimisation. Celle-ci permit en même temps de masquer, de refouler des souvenirs indésirables.

L’offensive des Ardennes est l’un de ces rares lieux de mémoire transfrontaliers. Les villes et localités de Saint-Vith, Malmedy, Bullange, Rocherath, Recht, Faymonville, Bastogne, Houffalize, Prüm, Winterspelt, Clervaux ou Vianden partagent toutes un destin commun. Elles ont été (presque) entièrement anéanties lors de l’offensive des Ardennes. Bien que les habitants de toute la région aient été victimes de la Seconde Guerre mondiale, la mémoire communicative des événements en Belgique francophone et germanophone, au Luxembourg et en Allemagne est très différente.

Dans l’Eifel belge en particulier, le lieu de mémoire de l’offensive des Ardennes révèle beaucoup sur les habitants de la région. Une grande partie de cette région a été détruite lors des événements du dernier hiver de la guerre 1944/45. La population a été évacuée ou a fui les hostilités vers la Belgique ou l’Allemagne, par exemple dans le cadre du ‘grand convoi’.

Le lieu de mémoire de l’offensive des Ardennes en dit long sur les habitants de la région, en particulier dans l’Eifel belge. Pour les habitants de l’Eifel belge, l’offensive des Ardennes a été un point de départ pour construire une mémoire dominée par la victimisation. Celle-ci permit en même temps de masquer, de refouler des souvenirs indésirables. Les événements de l’offensive des Ardennes et les souffrances vécues en commun pouvaient être évoqués sans gêne. Les événements de l’entre-deux-guerres et les déchirements de toute la population qui y étaient liés pouvaient être oubliés. Le fait que de nombreuses personnes attendaient avec impatience l’annexion par l’Allemagne et par conséquent aussi un État dictatorial national-socialiste de non-droit, pouvait être consciencieusement ignoré.

L’apparition du concept d’« enrôlé de force » doit également être considérée dans ce contexte : Bien qu’il n’y ait eu aucune différence entre les soldats allemands de la Wehrmacht et la plupart des soldats des Cantons de l’Est enrôlés, l’offensive des Ardennes a étouffé tout débat sur l’enrôlement forcé dans la Wehrmacht. L’offensive des Ardennes a joué un rôle tout à fait similaire dans le nord du Luxembourg.

La reconstruction dans la région s’est déroulée selon différents modèles, mais elle a néanmoins joué un rôle important pour le lieu de mémoire de l’Offensive des Ardennes : la reconstruction a occulté pendant des années les événements de la Seconde Guerre mondiale et a également orienté la mémoire physiquement vers les destructions et les souffrances vécues lors de l’Offensive des Ardennes.

Ainsi, des monuments, des itinéraires de mémoire, des cimetières militaires ou des livres contribuent à entretenir le souvenir de l’offensive des Ardennes. Il ne s’agit en aucun cas de minimiser l’importance des événements. Des milliers de civils et des dizaines de milliers de troupes régulières ont été victimes de l’offensive de part et d’autre des frontières, sans parler de l’immense souffrance psychologique. Le lieu de mémoire de l’offensive des Ardennes révèle aussi à quel point le regard que les habitants des Cantons de l’Est portent sur leur propre histoire peut être sélectif. Les éléments problématiques sont occultés tandis que les aspects plaisants viennent nourrir la mémoire communicative.

Conseils de lecture

Carlo Lejeune & Christoph Brüll, « Geschichtsschreibung als Spiegel des Zeitgeistes. Von der Vereinnahmung der Geschichte zur Europäisierung der Erinnerungskultur », in Carlo Lejeune, Christoph Brüll & Peter Quadflieg (éds.), Grenzerfahrungen. Eine Geschichte der Deutschsprachigen Gemeinschaft Belgiens (tome 4), Staatenwechsel, Identitätskonflikte, Kriegserfahrungen (1919-1945), Eupen 2018, p. 366-392.

Philippe Beck & Hubert Roland, « Von den Schatten der Vergangenheit zu einer Ostbelgitude. Auseinandersetzungen mit Geschichte und Identität in der Literatur Ostbelgiens », in Tobias Dewes, Andreas Fickers & Vitus Sproten (éds.), Eine Geschichte der Deutschsprachigen Gemeinschaft Belgiens (tome 6), Föderalisierung, Strukturwandel, Erwartungshorizonte (1973-heute), Eupen 2023, p. 288-303.