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Traces du changement

Une coutume ancienne fait peau neuve

27.06.2022
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C’est impressionnant : à Elsenborn, le lundi de la kermesse, plus de 20 « carées » dansent à nouveau le quadrille du lancier depuis les années 2010. Cela représente 160 danseurs. Et ils sont issus de toutes les générations. Dans de nombreux autres villages du nord de l’Eifel belge, le le quadrille du lancier a également retrouvé une nouvelle popularité au cours des dernières décennies. Dans les communes de Burg-Reuland et de Saint-Vith, en revanche, il a toujours eu du mal à s’imposer. La présentation commune de la danse redonne vie aux jours de kermesse qui, contrairement au passé, ne sont aujourd’hui plus qu’une note marginale dans le calendrier des loisirs surchargé de la région.

Comment en est-on arrivé là ? Depuis les années 1980, les chercheurs en matière de coutumes ne considèrent plus les coutumes comme des actions fixes qui se déroulent toujours de la même manière selon un modèle précis à un moment donné. En termes simples, ils affirment que les gens n’ont pas envie de danser le lancier simplement parce qu’il est censé avoir été dansé « depuis toujours ». Ils pensent que les gens le font uniquement parce que cette coutume a une fonction sociale dans une société qui peut également changer. C’est la raison pour laquelle les coutumes sont en constante évolution.

Dans quelle mesure cette hypothèse peut-elle être vérifiée à partir de l’exemple du quadrille des lanciers dans le nord de l’Eifel belge ? Tout d’abord, on constate que le quadrille des lanciers n’a pas changé : La musique est la même, les pas et l’enchaînement des danses aussi. C’est probablement avant 1900 que la ronne, le quadrille et le lancier ont été introduits dans les villages et dansés dès lors comme prélude aux kermesses. Les sources ne parlent pas de modèles ou de premières imitations. Ce qui est sûr, c’est que ces danses sont issues d’une contredanse originaire de France, créée à Paris à l’époque de Napoléon. Elle est dansée par huit personnes (quatre couples), qui se font face deux par deux en carré. En règle générale, la danse est composée de six parties, avec un galop à la fin.

Il est également clair que le quadrille des lanciers en tant que danse n’est pas adapté ou modifié par les coutumiers. Mais elle semble répondre à un besoin général à l’époque du 21e siècle où tout va très vite. D’une part, elle rassemble les générations avant la kermesse pour une répétition, demande un engagement de courte durée pour une activité que chacun peut apprendre et exécuter avec fierté devant un public. D’autre part, cette danse est porteuse de sens pour une communauté (villageoise) qui peut ainsi s’opposer à la perte d’importance de la kermesse et invoquer un nouveau sentiment de communauté.

Mais peut-être gagne-t-elle aussi une nouvelle importance en répondant à un nouveau besoin de danse. Jusque dans les années 1970, les danses de couple étaient la norme dans les bals. Depuis les années 1970, la danse a changé assez rapidement au cours d’une longue phase de transition : les femmes étaient de moins en moins invitées à danser, les hommes et les femmes dansaient simplement comme ils le voulaient. Tout le monde dansait avec tout le monde, sans barrières sociales. Les règles ne s’imposaient plus à personne.

Avec le quadrille du lancier, c’est différent. Il met en œuvre les règles élémentaires du village sous une nouvelle forme. Seuls ceux qui connaissent les règles et les respectent peuvent participer à la danse. Celui qui ne connaît pas les règles n’en fait pas partie. C’est peut-être pour cela qu’il exprime l’aspiration de nombreux villageois à une communauté villageoise avec des règles plus claires …

 

Carlo Lejeune