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Traces du changement

Apprendre dans sa langue maternelle

27.06.2022
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Ils étaient courageux, ces enseignants de l’école épiscopale (Bischöflichen Schule) de Saint-Vith qui, en 1968, présentaient le pamphlet « Das Unterrichtswesen in den Ostkantonen » (L’enseignement dans les Cantons de l’Est). « Pour les enfants germanophones, la démocratisation de l’enseignement ne deviendra réalité que lorsque l’enseignement sera donné en langue allemande », réclamaient-ils sans ambages. Ils savaient pourquoi: en 1960, en Belgique, deux Belges sur trois (66,3 %) et sept femmes sur dix (70,8 %) ne disposaient que d’un certificat d’études primaires. Dans les régions germanophones, cette proportion était nettement plus élevée : près de 82 % des hommes et près de 88 % des femmes n’avaient qu’un certificat d’études primaires. Le retard en matière de niveau d’éducation était grave.

Et la cause ne se trouvait pas uniquement dans les structures rurales des Cantons de l’Est. Dans la province de Luxembourg, tout aussi rurale, près de 70 % des hommes n’avaient qu’un certificat d’études primaires. La raison principale était l’enseignement en français, qui empêchait des centaines de Belges de l’Est de poursuivre leur scolarité. En revanche, le nombre de bacheliers parfaitement bilingues n’était que légèrement supérieur à la moyenne nationale. En d’autres termes, une petite élite, qui trouvait en grande partie du travail en dehors de la région après ses études, a été parfaitement formée au détriment de centaines de jeunes, qui se sont vus refuser à vie un diplôme scolaire et des perspectives professionnelles correspondantes.

Aujourd’hui, c’est la Communauté germanophone qui est responsable de l’enseignement. Dans l’Eifel belge, la langue d’enseignement est sans exception l’allemand et les conditions matérielles dans les écoles sont très nettement supérieures à la moyenne européenne. La promotion du plurilinguisme est au centre des préoccupations, l’apprentissage de l’anglais étant nettement plus facile pour de nombreux jeunes que l’apprentissage du français. Le pays voisin, le Luxembourg, a choisi une autre voie : À l’école, l’enseignement est dispensé simultanément ou alternativement en luxembourgeois, en allemand et en français. Après la dernière étude Pisa, certains parlementaires du PDG (le Parlement de la Communauté germanophone de Belgique) ont déploré le manque d’encouragement des élites, tandis que de nombreux parlementaires luxembourgeois se sont plaints qu’une grande partie des élèves se voyaient refuser l’ascension sociale parce qu’ils étaient surmenés sur le plan scolaire. La politique de l’éducation reste passionnante.

 

Carlo Lejeune/Vitus Sproten

Suggestion de lecture:

Magali Boemer, Sprache, Unterricht und Macht: Eine historisch-soziolinguistische Diskursanalyse von Zeitungsberichten über die Sprachunterrichtspolitik der Deutschsprachigen Gemeinschaft Belgiens (1919-1989), thèse de doctorat défendue à l’Université de Namur, avril 2016.